« Ma terre, mon énergie » poursuit sa série d’interviews de « Grands Témoins » qui valorisent et s’intéressent aux territoires. Après avoir interrogé Jean-Pierre Pernaut, journaliste à TF1, Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly et auteur de Mon village dans un monde global, ou encore Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de l’association des Villes de France, nous nous sommes entretenus avec Céline Imart, agricultrice dans le Tarn, ancienne vice-présidente du syndicat Jeunes agriculteurs.
Quel peut être le rôle des agriculteurs dans la transition énergétique ?
Céline Imart : « Leur rôle est énorme ! Ils sont une partie de la solution et non pas un problème. Ils produisent la nourriture, mais ils peuvent aussi produire l’énergie. On le voit à travers l’exemple de la méthanisation qui a décollé en Allemagne, ou encore avec le photovoltaïque… Nous, agriculteurs, avons le foncier, les infrastructures, et énormément d’élevages en pâture. Le maïs est consommateur d’eau, certes, mais pas plus que les autres, et même moins que le tournesol. Il est déconsidéré, mais il stocke plus de carbone à l’hectare que la forêt ! »
Le biogaz aura son rôle à jouer ?
Céline Imart : « Le biogaz permet de favoriser le mix énergétique, tout le monde est gagnant dans cette configuration ! L’élevage à l’herbe est porteur de solutions pour le stockage du carbone et pour la production de biogaz. »
Quel doit être le rôle des agriculteurs dans la société de demain ?
Céline Imart : « Jusqu’à aujourd’hui, nous avions cette fierté d’incarner le patrimoine de la France, le bien-manger, la transmission d’élevages de génération en génération… Aujourd’hui, tout cela est remis en question. On se demande : est-ce que la société veut encore de nous ? Nous n’avons pas la réponse. »
Pourtant, les progrès des agriculteurs français sont réels ?
Céline Imart : « Le journalThe Economist, dans son classement annuel, place la France pour la troisième fois en tête des modèles agricoles les plus durables. Même sur les pesticides, on se fait accuser d’être le premier utilisateur, alors que si l’on rapporte à la surface agricole du pays, nous sommes les 10e consommateurs d’Europe (derrière des pays comme l’Italie, les Pays-Bas ou la Belgique, ndlr). Il faut relativiser ! Je ne dis pas qu’on ne peut pas progresser, qu’on ne peut pas mieux répondre aux attentes de la société, mais oui, il y a un manque de valorisation de ce que l’on fait de bien pour la société. »
Quels exemples « verts » souhaitez-vous mettre en avant ?
Céline Imart : « En une quinzaine d’années, les agriculteurs ont semé 400.000 kilomètres de bandes enherbées pour remettre du vert, et préserver les cours d’eaux et rivières. Les agriculteurs ont toujours essayé de s’adapter à ce que la société attendait d’eux. »
On entend également parler du désherbage au gaz, comment le jugez-vous ?
Céline Imart : « Le désherbage au gaz peut faire figure d’alternative. Il a notamment été expérimenté sur des petites surfaces, où il apporte des solutions intéressantes pour des exploitations avec quelques hectares en maraîchage, en vigne. »
Vous avez fait Science Po, une école de commerce, avez travaillé dans le privé, avant de reprendre l’exploitation familiale. Preuve que le métier reste attractif ?
Céline Imart : « C’est un métier passion ! Un métier où l’on a la chance d’être son propre patron, en plein air, en lien avec la nature. C’est l’un des plus beaux métiers du monde ! Il y a un côté moderne, parce que le métier évolue très vite : il faut être comptable, gestionnaire, avoir beaucoup de cordes à son arc. Mais on le voit, il y a énormément de jeunes urbains qui se reconvertissent vers des métiers artisanaux et agricoles. Cela répond à un besoin de connexion avec la nature, et avec le fait de donner du sens à son activité professionnelle. »