« Ma terre, mon énergie » poursuit sa série d’interviews de « Grands Témoins » qui valorisent et s’intéressent aux territoires. Après avoir interrogé Frédéric Dabi, Directeur général adjoint de l’institut Ifop sur l’attractivité des zones rurales, Jean-Christophe Fromantin maire de Neuilly et auteur de Mon village dans un monde global, ou encore Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de l’association des Villes de France, nous nous sommes entretenus avec Jean-Pierre Pernaut, journaliste, présentateur du JT de 13h sur TF1.
D’où vous vient cette volonté de mettre en valeur les régions, les savoir-faire dans les petites villes, dans les villages ?
Jean-Pierre Pernaut : « L’ADN du journal de 13h, depuis 30 ans, c’est la proximité, la ‘vraie vie’ des Français. Ce que sont leurs difficultés, leurs satisfactions, et les richesses des territoires. Nous avons ça dans les tripes, c’est pour cela que l’on m’avait demandé, déjà, de présenter le journal de 13h sur TF1 en 1988. »
Concrètement, comment cela s’est traduit ?
Jean-Pierre Pernaut : « On a mis en place un réseau de correspondants en région, une révolution dans l’audiovisuel pour l’époque. Nous avons été les premiers à se dire : ‘l’actualité ne doit pas être uniquement à Paris, l’actualité doit être vue par les gens, dans toute la France’. Cet ADN de proximité vient peut-être de mes origines, un petit village près d’Amiens : j’ai toujours été attaché à ma région, je sais à quel point les Français sont attachés aux leurs, à quel point il s’y passe plein de choses. »
Comment caractériseriez-vous l’énergie des territoires de notre pays ?
Jean-Pierre Pernaut : « C’est très variable. Les régions sont obligées de se battre pour développer, maintenir des activités. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de fracture territoriale : beaucoup de régions se sentent oubliées, beaucoup de services publics, beaucoup de commerces de proximité disparaissent dans les villages. Mais on s’aperçoit que beaucoup d’élus locaux se battent pour inverser la tendance. C’est aussi de là qu’ils tirent leur dynamisme. J’ai lancé une opération spéciale qui s’appelle SOS villages, qui met en relation des commerçants qui veulent céder une épicerie, un bar tabac, ou une auberge par exemple avec des potentiels repreneurs. De plus en plus souvent aujourd’hui, des mairies se bagarrent pour rouvrir un commerce de proximité, et redonner de l’activité à leur village. Un village sans commerce, c’est un village qui meurt ! »
La désertification rurale, les fermetures ne seraient pas une fatalité ?
Jean-Pierre Pernaut : « On s’aperçoit que dans les régions, il a des gens qui ont un savoir-faire exceptionnel, mais qui peut-être n’ont pas le faire-savoir. Il y a de plus en plus de jeunes qui font renaître des métiers en voie de disparition : des ébénistes, des vitraillistes, des charrons, etc. Beaucoup de métiers manuels renaissent, parce que cela fait partie du dynamisme des régions. Il y a des gens qui se battent pour maintenir des traditions, des activités, et ça, c’est formidable. C’est ce que j’essaye de montrer dans le journal. »
La France s’engage dans la transition énergétique. Comment les habitants des territoires peuvent-ils jouer leur rôle ?
Jean-Pierre Pernaut : « Les citadins n’ont pas du tout le même regard sur les effets de la pollution ou sur le réchauffement climatique. À la campagne, dans les villages, on a un sentiment différent parce que la nature, on la voit, on la sent. L’agriculteur est le premier à voir évoluer la nature. Le monde agricole joue un rôle énorme dans la protection de la nature. C’est facile de dire ‘il faut changer de voiture’, mais les gens n’ont pas forcément l’argent pour. Le regard des ruraux sur la transition énergétique est plus réel : on essaye de faire au mieux, on ne gaspille pas d’énergie. C’est le bon sens rural qui prime. »
Avec l’émission « Le plus beau marché de France », vous avez montré une autre facette du dynamisme des régions…
Jean-Pierre Pernaut : « Il y a un vrai amour des Français pour leurs marchés. C’est un lieu de vie, de convivialité. C’est paradoxal, parce qu’au moment où le commerce de proximité va mal, les marchés ont de plus en plus de succès. On y rencontre les producteurs, on voit comment les gens se battent pour fabriquer des produits de qualité. En avril, on lancera la 3e saison de l’émission. On se dit parfois que les villages se vident, mais le jour du marché les gens sortent, se parlent, se rassemblent, c’est un lieu de convivialité, c’est un lieu où l’on sent les bonheurs des gens, leurs difficultés… C’est un vrai lieu de vie. »
Vous pouvez témoigner d’un intérêt de plus en plus important pour les régions, à l’encontre de la désertification rurale ?
Jean-Pierre Pernaut : « Oui, je le vois dans l’audience du journal du 13h, qui est le 2e plus grand JT d’Europe. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’installent en zone rurale parce que la vie en ville est chère, la vie dans les grandes villes est difficile, et l’on s’aperçoit qu’il y a plein d’activités possibles en dehors. C’est une bataille pour reprendre un commerce dans un village, il faut avoir des idées pour recréer une activité, et il y a de plus en plus de gens qui se battent. C’est formidable ! »
En librairie : L’Almanach des régions 2019 (Michel Lafon)