Les grands témoins de la transition
énergétique
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Témoignages Lecture : 4 min

"Les agriculteurs n’ont pas attendu pour mettre en œuvre des pratiques en faveur du climat"

Portrait d'Anne-Marie Quémener, commissaire générale du SPACE.

« Ma terre, mon énergie » poursuit sa série d’interviews de « Grands Témoins » qui valorisent les territoires. Interview de Anne-Marie Quémener, commissaire générale du SPACE.

« Ma terre, mon énergie » poursuit sa série d’interviews de « Grands Témoins » qui valorisent et s’intéressent aux territoires. Après avoir interrogé Frédéric Dabi, Directeur général adjoint de l’institut Ifop sur l’attractivité des zones rurales, Jean-Christophe Fromantin maire de Neuilly et auteur de Mon village dans Un monde global, ou encore Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de l’association des Villes de France, nous nous sommes entretenus avec Anne-Marie Quemener, commissaire générale du SPACE, le Salon des Productions Animales - Carrefour Européen à Rennes.

Que l’on parle de changement climatique, de transition énergétique ou d’alimentation, les agriculteurs sont amenés à être au centre des changements de notre société. Comment qualifieriez-vous leur rôle ?

C’est un rôle naturellement central, parce qu’ils sont les premiers touchés par les évolutions climatiques. Depuis la nuit des temps, les agriculteurs travaillent en fonction du climat, et s’y adaptent. Aujourd’hui, les changements sont rapides et brutaux, et les agriculteurs doivent aussi pouvoir s’y adapter au même rythme.

Ils sont bien sûr acteurs, aujourd’hui et demain, de cette transition climatique en apportant des solutions en matière de production d’énergie, ou en matière de réduction d’utilisation d’intrants. Les agriculteurs doivent à la fois s’adapter mais aussi être porteurs de solutions. C’est pour cela que nous avons décidé d’en faire un des thèmes phares de l’édition du SPACE de cette année, afin de montrer que les agriculteurs n’ont pas attendu pour mettre en œuvre certaines pratiques en faveur du climat.

Quel rôle vont jouer les agriculteurs et éleveurs dans la transition énergétique opérée par notre pays ?

Que l’on parle de méthanisation, d’énergie solaire ou autres, les éleveurs peuvent contribuer à réduire la dépendance aux énergies fossiles et contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Il y a différents leviers, tant au niveau des cultures, avec la réduction des intrants, du stockage carbone, et de la conduite des bâtiments d’élevage en réduisant la consommation d’énergie ou en en produisant.”

Produits phytosanitaires, consommation de viande, libre échange… comment les éleveurs se préparent à ces nombreuses évolutions ?

Un des objectifs des états généraux de l’alimentation quand ils ont été mis en place par le président Macron était d’apporter des solutions de la part des organisations des filières autour de la montée en gamme et de faire valoir la qualité de nos produits, ce qui n’a pas forcément suffisamment été fait en France. Nous avons une obligation de le faire, face à la concurrence mondiale et même au sein de l’Europe. Nous avons une vraie carte à jouer pour la mise en valeur de la qualité de nos produits.

Le prix « Innov’Space » vise justement à récompenser ce dynamisme, ces innovations ?

Le label Innov’SPACE a été créé en 1995 pour mettre en valeur les innovations présentées par les entreprises exposantes sur le salon. Le secteur agricole et particulièrement l’élevage innove en effet beaucoup. Notre but, c’est donc d’accompagner les entreprises, de les valoriser avant, pendant et après le salon. C’est une opération qui a rencontré de plus en plus de succès au fur et à mesure du temps et qui est devenue un véritable label d’innovation pour les entreprises. Pour elles, c’est à la fois une fierté d’avoir cette distinction, et une reconnaissance de leur savoir-faire.

Logistique, bien-être animal, pénibilité du travail, productivité : les innovations concernent un vaste champ d’applications. Ce dynamisme est à l’image du secteur ?

Oui ! Mais bien souvent, des personnes qui ne sont pas du domaine agricole et qui visitent le SPACE sont bluffées, fascinées par le degré d’innovation du secteur. La recherche de nouveautés est le deuxième critère des visiteurs du salon. Nous avons toujours comme préoccupation de nous adresser à nos éleveurs en leur indiquant quelles sont les innovations qui sont là pour leur faciliter l’exercice de leur métier au quotidien. Le savoir-faire est très pointu, qu’il s’agisse d’alimentation, de qualité sanitaire, de gestion des données, etc. Ces innovations couvrent tous les champs qui touchent au métier d’éleveur. Cette année nous avons 46 lauréats sur 150 dossiers déposés.

Le SPACE a un rayonnement international : comment qualifieriez-vous le modèle français ?

Nous avons un modèle à défendre ! Si l’on dresse le panorama des salons agricoles en France, nous trouvons : un salon majoritairement orienté vers le grand public, un salon pour le machinisme, un salon à orientation principale bovine, et notre salon pour toutes les filières animales. La France est vraiment un pays très agricole et très divers, et c’est l’image que nous avons à l’étranger : un véritable réservoir de savoir-faire et d’expertise en matière d’élevage pour tout ce qui touche à l’alimentation des animaux, à la « démédication », à la maîtrise sanitaire. Au SPACE cette année, nous allons recevoir des délégations africaines qui nous demandent « comment vous vous êtes structurés, comment sont financées vos interprofessions, qui agit en cas de crise sanitaire, etc. ». En France, nous avons tous les outils et le savoir-faire en la matière. Nous sommes un modèle pour toutes les productions et disposons en plus d’un réseau d’entreprises, de PME spécialisées, de groupements, très dynamiques.

L’actualité nous montre souvent des exploitations géantes, mais en France, de nombreux éleveurs sont également à la tête d’exploitations plus modestes. Quelle est leur importance ?

C’est là notre chance : nous avons un modèle agricole très divers, et l’on voit qu’il se diversifie de plus en plus : on a du conventionnel, du label, du bio, de la vente directe... Le modèle se diversifie. Certes il y a une certaine concentration qui aboutit à des élevages de tailles plus grandes, mais ce n’est pas le cas de toutes les exploitations, et il faut nuancer ce que l’on appelle des « grandes exploitations », quand l’on compare avec d’autres pays, en Chine, en Russie… Cette année nous accueillerons l’union nationale russe des producteurs bios, ainsi que leur ministre de tutelle. Ils auront des rendez-vous avec des spécialistes du bio français, car leur ambition demain c’est de devenir un acteur majeur du bio à l’échelle mondiale. Les Russes viennent voir ce que l’on fait à petite échelle, pour le développer à une échelle différente demain. Le monde bouge ! Les agriculteurs doivent s’adapter en permanence à tout ça : aux normes, au climat, aux cours des marchés, à la réglementation… C’est un métier noble et très exigeant.

Beaucoup plus généralement, qu’attendez-vous de cette édition 2019 du SPACE ?

Quand on organise un salon, il faut que l’on satisfasse toutes ses parties prenantes, et tout d’abord ses exposants. Je souhaite que nous leur garantissions un salon qui réponde à leurs attentes. Pour cela, il faut que les visiteurs soient au rendez-vous, il faut espérer que le contexte agricole qui est assez favorable dans le domaine des productions animales se maintienne. Nous avons toujours à cœur, au SPACE, d’être le rendez-vous de tous les professionnels de l’élevage. C’est un moment collectif, de partage de leurs préoccupations, mais c’est aussi et surtout un salon qui permet de se redonner du moral, de se redonner des forces pour continuer, d’avoir des idées nouvelles, progresser. Et bien sûr de continuer à être un carrefour mondial : cette année, nous attendons des délégations du Kazakhstan, de Russie, du Nigéria, du Cameroun, de Guinée Équatoriale, du Sénégal, du Mali, du Bénin…. Il faut que le SPACE continue d’être le reflet de cette activité mondiale et transversale pour tous les pays.”