« Ma terre, mon énergie » poursuit sa série d’interviews de « Grands Témoins » qui valorisent et s’intéressent aux territoires. Après avoir interrogé Frédéric Dabi, Directeur général adjoint de l’institut Ifop sur l’attractivité des zones rurales, Olivier Binet, fondateur de l’application de covoiturage Karos sur l’aide entre particuliers dans les zones peu desservies, ou encore Jean-Christophe Fromantin maire de Neuilly et auteur de Mon village dans Un monde global, nous nous sommes entretenus avec Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de l’association des Villes de France.
On parle beaucoup "d’énergie des territoires" : quelle en est votre définition ?
« L’énergie des territoires, c’est l’énergie de l’audace et de l’innovation. Les solutions se trouvent au plus près des territoires, et ne peuvent plus seulement être imaginées dans un bureau sans lien direct avec le terrain. Les élus locaux connaissent leur territoire, et sont en capacité de mettre en réseau les acteurs. Nous sommes des facilitateurs. Je pense que le maire, et la crise l’a confirmé, est un interlocuteur de terrain auquel les Français font confiance. Il est un capteur social identifié sur le territoire. Il faut nous faire confiance ! »
Que faut-il faire pour revitaliser les zones rurales et les villes moyennes ?
« Comme c’est souligné dans le Baromètre des territoires, les habitants des villes de taille moyenne ont eu le sentiment ces dernières années que les politiques publiques ont systématiquement avantagé les grandes villes ou Paris. La tendance semble s’inverser et les villes moyennes font ces derniers mois l’objet d’une certaine attention. Villes de France a plaidé ces dernières années pour un plan spécifique aux villes moyennes, et particulièrement aux cœurs de villes. Le Ministère de la Cohésion des territoires, avec lequel nous avons collaboré, a élaboré le plan « Action Cœur de Ville » qui vise à redynamiser les centres-villes des villes moyennes. Ce sont 5 milliards d’euros pour 222 villes, sur des sujets variés tels que le commerce, l’habitat ou l’enseignement supérieur. Le programme est dorénavant lancé en phase opérationnelle, et les premiers projets voient le jour. C’est un formidable coup de projecteur politique et médiatique sur la réalité de la situation des villes moyennes. Nous appelons dorénavant à un acte 2 du plan action cœur de ville pour aller plus vite et plus loin. »
Dans ce contexte, comment la transition énergétique peut-elle trouver sa place ?
“Nous plaidons pour une revitalisation des centres-villes prenant en compte la transition écologique dans les territoires. C’est en apportant des solutions concrètes en lien avec l’ADN de nos territoires que nous répondrons aux craintes légitimes exprimées dans le baromètre des territoires.”
Avez-vous des exemples en particulier ?
« À Beauvais, par exemple, nous avons engagé la transition il y a 10 ans et nous venons de réformer le dernier bus diesel. Le réseau beauvaisien fonctionne dorénavant à 100 % en GNV/ hybride et électrique. C’était une volonté politique forte et nous y sommes parvenus dans un temps court. »
Aujourd’hui, le cadre de vie des villes moyennes est plébiscité, au contraire des métropoles. Comment l’expliquez-vous ?
« L’enseignement fondamental du Baromètre des territoires est en effet que les habitants des villes moyennes plébiscitent leur commune pour leur qualité de vie et ils leur manifestent un attachement très fort. 43 % des Français déclarent d’ailleurs, s’ils avaient à choisir, préférer habiter dans une ville moyenne. Les villes moyennes sont les villes à la campagne : elles ont la qualité de vie des campagnes, une offre de services intéressante, un environnement préservé et un cadre de vie sécurisé. Elles sont un point d’équilibre entre les métropoles et les territoires ruraux, c’est ce qui fait leur attractivité, particulièrement auprès des familles. »
Quel rôle jouent-elles auprès des territoires ruraux ?
« Nos villes moyennes sont des villes d’équilibre, des pôles de centralité qui irriguent les territoires qui les entourent. Elles sont complémentaires des métropoles, et indispensables aux territoires ruraux. Leur offre de services, les emplois offerts par les entreprises présentes dans les villes moyennes dynamisent les territoires aux alentours et créent des synergies. Nous plaidons pour la solidarité territoriale. Les territoires ne doivent pas s’opposer, mais se compléter. »
Que viennent chercher les anciens « métropolitains » qui tournent de plus en plus le dos aux grandes métropoles ?
« Les villes moyennes sont des territoires attractifs. Elles attirent particulièrement les familles et les seniors qui viennent y chercher une véritable qualité de vie. Il n’en demeure pas moins que ces territoires font face à des difficultés contre lesquelles, à Villes de France, nous alertons le Gouvernement : le manque de services publics, au premier rang desquels celui de la santé, l’offre d’enseignement supérieur et de formation de proximité, et la question d’accessibilité et de la mobilité. »